Depuis quelques semaines, les sorties du weekend à Luxembourg ne sont pas évidentes. Pourquoi? Parce que les voitures en stationnement illégal sont verbalisées, les voitures qui gênent le traffic sont emmenées en fourrière, certains endroits sont fermés à l'heure, d'autres fonctionnant sans autorisation sont fermés tout court. Que faire? Un nouveau règlement!
Depuis le début de cette campagne, certains ont commencé à aboyer à tort et à travers. Même certains journaux s'y mettent. Que c'est le nouveau bourgmestre qui roule des mécaniques, que la Police ferait mieux de se concentrer sur la criminalité dure, qu'on ne permet pas aux pauvres cafetiers de se faire un peu de fric, que Luxembourg est une ville morte et j'en passe.
Voyons donc cela de plus près.
D'abord, est-ce bien la faute du nouveau bourgmestre? Il faut en douter. On ne devient pas bourgmestre pour lancer le jour après l'élection une campagne grand format contre le tapage nocturne. S'il y a aujourd'hui une campagne contre le bruit nocturne, c'est que cette campagne a été longuement préparée. En effet, le bourgmestre précédent avait déjà lancé une campagne similaire. Vu que cette campagne, plus douce, n'a pas produit de résultats, il est clair que l'administration se voit obligée d'appliquer un ton un peu plus sec.
Ensuite, et il est extrêmement étonnant de constater que personne ne mentionne ce problème, se pose le problème de la sécurité. En effet, en 1998, il y a eu trois feux dans des établissements de la vieille ville. Or, dans les trois cas, les voitures des pompiers ont eu des problèmes énormes pour se rendre sur les lieux parce que toutes les voies d'accès étaient bloquées par des voitures en stationnement illégal. Imaginons maintenant qu'un de ces trois feux aurait fait des morts parce que les pompiers ont mis vingt minutes pour passer les derniers cent mètres. Qui aurait gueulé le plus fort? Qui aurait accusé l'administration de tolérer le stationnement sauvage? Eh oui, exactement les mêmes journaux et particuliers qui aujourd'hui gueulent contre l'administration.
Ce n'est pas pour rien que la commune exige qu'un endroit public, pour obtenir une autorisation de nuit blanche, doit correspondre d'abord et avant tout à des critères de sécurité précis. Si donc trois quarts des endroits nocturnes ne correspondent d'aucune manière à ces critères, et il suffit de se rappeller les dernières catastrophes de Vienne ou de Stockholm, il est évident que pour des raisons de sécurité, l'administration aurait tort de tolérer cette situation potentiellement tragique.
Un autre aspect est purement mathématique: pour chaque personne qui se plaint de ne pas pouvoir sortir tard la nuit dans un quartier résidentiel, il y a deux personnes qui habitent dans ce quartier qui souffrent du bruit. L'exemple typique a été fourni par la ville de Paris il y a quelques années: une seule moto qui traverse à pleins gaz Paris à quatre heures du matin avec un échappement aux db maximalement autorisés touche environ deux millions (2 000 000) de Parisiens dans leur sommeil. Facile donc de s'imaginer ce que des centaines voitures peuvent faire dans une petite ville aux rues étroites, surtout si certains endroits se trouvent à côté de maisons de retraite.
Autre aspect convenablement négligé: les endroits qui disposent d'une autorisation de nuit blanche en bonne et due forme paient une taxe substantielle pour cette autorisation. Ils doivent aussi débourser tous les mois un montant substantiel pour les droits d'auteurs au profit des musiciens dont ils jouent les créations. En outre, ils ont des frais considérables pour rendre leur établissement conforme aux normes de sécurité. Mais surtout, ils ont dû passer par une enquête commodo pour pouvoir obtenir cette autorisation. Voyons maintenant tous ces endroits qui restent ouverts jusqu'à 6 ou 7 heures du matin sans payer des droits de nuit blanche, sans payer des droits d'auteur, sans correspondre aux normes de sécurité, sans avoir passé par une enquête commodo. Ne semble-t-il pas normal que ceux qui se tiennent aux règlements se sentent extrêmement désavantagés par rapport à ceux qui profitent joyeusement de l'illégalité absolue?
Oui, la ville a pendant des années largement ignoré les besoins de ceux de ses résidents qui veulent et ont le droit de sortir le weekend, oui, la ville a pêché par négligence pendant des décennies en négligeant de mettre à jour ses directives de nuit blanche, oui, la ville est largement responsable du niveau provincial de la vie nocturne, oui, la ville doit moderniser son règlement en la matière, oui, la ville subventionne par millions un endroit qui est mal placé, mal équipé et auquel le commodo avait été refusé par enquête, ce qui est d'un cynisme impardonnable, mais de dire que la campagne contre le stationnement illégal et le tapage nocturne est une bêtise est tout aussi faux.
Au lieu donc de se plaindre, il serait plus productif de voir les choses un peu plus objectivement et de proposer des solutions réalistes et adaptées aux temps modernes. Mais CELA, je ne l'ai pas encore vu ou lu ou entendu. J'aimerais voir que les amis et les ennemis de la campagne actuelle proposent des solutions au lieu de dire n'importe quoi à tout moment.
Ce qu'il faut?
Des endroits publics avec autorisation de nuit blanche qui:
- sont ouverts selon les besoins du public,
- correspondent aux normes de sécurité,
- disposent de stationnements suffisants dans les alentours immédiats
- et sont installés dans des zones non résidentielles.
C'est sur cette base qu'un nouveau règlement doit être élaboré, le reste n'étant que foutaises ne servant à strictement rien.
Frank Conrad
23 nov 99
Les nuits noires du parking sauvage dans la capitale de la mort nocturne